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Le K Bannon
4 septembre 2017

La difficile question d'un représentant du culte musulman pour les pouvoirs publics

Depuis plus d’une décennie, l’État a recherché en France un interlocuteur institutionnel pour représenter le culte musulman. À l’origine de cette démarche, il s’agissait de répondre à un besoin pour les pouvoirs publics : disposer, à l’instar des autres cultes, d’un seul interlocuteur qui puisse, dans le même temps, embrasser la diversité du culte musulman. En effet, il devenait difficile pour l’État d’ignorer la deuxième religion de France ou, à tout le moins, de ne pas engager un dialogue avec ses représentants. Restait cependant à déterminer qui pouvait légitimement représenter ce culte. En 1999, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, indiquait son souhait de « parvenir à trouver les modalités pratiques de nos rapports [avec le culte musulman], ce qui suppose l’existence d’un interlocuteur légitime, ou du moins considéré comme tel par le plus grand nombre », tout en se refusant à imposer une solutions aux musulmans de France car s’agissant de l’État, « ce n’est pas son rôle ». Sur ce point, la situation de l’Islam en France tranche avec les « cultes historiques » qui disposent, pour des raisons fort différentes, d’une représentation établie et ancienne avec les pouvoirs publics. La situation contraste évidemment avec l’organisation de l’Église catholique française, fruit du gallicanisme initié dès le Concordat de Bologne de 15162 et amplifié par la constitution civile du clergé de 1790 qui transpose le nouveau modèle administratif sur l’organisation ecclésiastique. À chaque échelon déconcentré répond un représentant du culte alors officiel. Ces siècles de relations, parfois tumultueuses entre la « fille aînée de l’Église » et l’autorité pontificale, expliquent qu’à l’heure de la séparation en 1905, le culte catholique dispose d’une organisation centralisée et au maillage uniforme qui conserve la trace de son ancienne proximité avec le pouvoir politique. L’ambassadeur de Turquie en France, S. Exc. M. Hakki Akil, a d’ailleurs esquissé une comparaison avec le cas de la jeune République turque lorsqu’elle a décidé d’instaurer un régime laïc d’inspiration française. Il relevait qu’en France, l’État a pu décider en 1905 de mettre un terme, en contrepartie de la non-reconnaissance des cultes, à toute ingérence dans leur organisation dans la mesure où le principal culte – celui catholique – disposait d’une organisation solide et ancienne, rendant possibles les relations institutionnelles entre l’État et ce culte. En Turquie, la situation se présentait, compte tenu de l’absence d’organisation religieuse comparable, sous des traits différents, ce qui appela une réponse différente : « Lorsque nous avons opté pour la laïcité à la française, nous n’avions pas de système religieux hiérarchisé. Dans l’Islam, il y a Dieu, les croyants, et entre les deux, les imams. L’État turc jacobin ne pouvait laisser les imams sans contrôle, si bien qu’il a créé son propre Vatican dans l’État même : une direction générale qui dépend du premier ministère et s’occupe des affaires religieuses. ». En effet, l’Islam sunnite, très majoritairement représenté en France, ne possède pas de clergé hiérarchisé capables d’assurer, à tous les échelons administratifs, une représentation à l’égard de l’État. Sa forte organisation décentralisée, fondée avant tout sur des communautés locales de croyants, pourrait se rapprocher de la tradition protestante. Cependant, les églises protestantes ont appris depuis 1905 à structurer leur organisation de manière à désigner, pour l’État, des représentants légitimes.

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